Naissance et philosophie du projet

Je me suis lancée dans ce projet parce que j’estimais que cela devait exister. J’estime qu’en quelque sorte, je comble un vide.

Je refusais effectivement que si d’autres personnes décident un jour de s’intéresser à notre production nationale, ils aient à le faire dans les conditions dans lesquelles je dois le faire : livres d’occasion difficiles à trouver, reproduction en pdf parfois illisibles, pas de résumé, aucune information sur le livre ou son auteur, bref néant et inconfort.

Je voulais donc rendre possible la découverte de ces livres dans des conditions minimales de confort et d’accessibilité.

Outre cela, je voulais aussi accorder à ces livres l’attention et les honneurs qu’ils méritent en tentant de les faire connaitre.

On me demande souvent, quand je parle de nos livres, si je les ai lu. Question qui me fait toujours sourire, parce que lorsque nous rééditons un livre, je l’ai lu en général quatre ou cinq fois. Une première fois pour en prendre connaissance et, éventuellement le « sélectionner » comme titre que je souhaite rééditer.

J’effectue ensuite le travail de « reconnaissance » du texte via des outils informatiques. Mais le programme en question, s’il me permet de ne pas devoir retaper tout le texte est largement inefficace et je dois relire l’ensemble du texte pour le corriger, voire pour retranscrire des parties du texte que le programme n’a pas « reconnu ».

Je lis ensuite le texte une troisième fois pour m’assurer que je n’ai rien laissé « passé ».

Je confie ensuite le fichier à mon compagnon qui en fait la maquette pdf pour l’impression, maquette que je relis à nouveau. En fonction du nombre d’erreurs que j’ai encore trouvé je relis éventuellement le texte une cinquième fois pour limiter au maximum le nombre de coquilles. Je dis limiter, parce que j’ai compris, avec le temps, qu’il était presqu’impossible d’éliminer toutes les coquilles d’une réédition.

Vous imaginez donc que lorsque je décide de rééditer un texte, sachant que je vais le lire quatre à cinq fois, il faut que ce texte me plaise ! Et chaque titre réédité devient un petit peu « mon bébé ». Je suis consciente que ces titres ne peuvent plaire à tout le monde, c’est normal. Mais lorsqu’un de « mes bébés » reçoit des avis négatifs, bien que je n’aie pas d’enfant, je crois pouvoir dire que je ressens quelque chose de similaire à ce que vous devez ressentir lorsque votre enfant ramène un mauvais bulletin ou lorsqu’il est raillé dans la cour de l’école : ça me tord littéralement les tripes.

Je ne réédite donc pas d’ouvrage qui ne m’ait pas « conquise » et que j’aie, d’une certaine manière, « adopté ». Et je reconnais que je laisse donc passer des titres qui mériteraient probablement d’être réédités mais qui n’ont pas parlé à ma sensibilité. Je dois malheureusement faire des choix, et ces choix sont tributaire de ma subjectivité.

C’est loin d’être parfait, mais disons que ça a le mérite d’exister. C’est un premier pas. Peut-être que demain, d’autres personnes prendront le relais.

Néanmoins, ne nous leurrons pas. Les ventes réalisées couvrent à peine les frais d’impression, ce qui signifie que tous les autres frais sont à notre charge de manière totalement bénévoles. Et ces frais sont nombreux : le temps passé à chercher et à lire les ouvrages du passé, que nous devons au préalable nous procurer, soit sur le marché de l’occasion, soit par l’achat de reproductions aux Archives et Musée de la Littérature, à la Bibliothèque Royale ou encore à la BNF, la sélection des titres que nous souhaitons « sauver », la réalisation de la maquette de couverture et d’impression, c’est-à-dire le travail de reconnaissance du texte via des outils de scan et de reconnaissance, mais aussi la relecture des épreuves, le temps consacré à la promotion de ces œuvres, tout cela, nous l’effectuons de manière entièrement bénévole et nous finançons la partie qui doit l’être avec nos fonds propres.

Vous aurez remarqué que je parle souvent de « notre projet » mais que la plupart du temps, je m’adresse à vous à la première personne du singulier. C’est qu’en réalité, si je ne suis pas tout à fait toute seule, puisque mon compagnon m’aide et me supporte, il s’agit bel et bien d’un projet que je porte seule. C’est probablement la raison pour laquelle il est si imparfait. Mais j’espère aussi que, d’une certaine manière, cela le rend touchant …

Et certains se demandent encore pourquoi j’ai appelé ce projet « Névrosée », mais je vous assure qu’il fallait être sacrément déjantée pour se lancer là-dedans …